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À l'ombre d'un rôle : Chap 10 - Coup foireux

Dernière mise à jour : 17 juin

De retour chez moi, je cherche sur internet tout ce qui se rapporte à la compagnie qui a pour symbole le dessin mystère. Après recoupement de listes de noms, de dates, de lieux, d’événements, je remets en place les pièces du puzzle qui s’offrent à moi, tout en écoutant Sidney Bechett et son « Blues my naughty sweetie gives to me », que les danseurs de claquettes raffolent.



Ma table de travail – une table ronde qui fait office de salle à manger – s’est remplie de documents, de photos, de graphiques, d’événements chronologiques, et d’une myriade de post-it posant questions et connexions entre cette firme, qui est un monstre de sociétés agissant à travers la planète… Jamais vu un conglomérat aussi important s’immiscer un peu partout, et dans des domaines particulièrement rentables : les marchés publics. Même le think tank que j’avais « consulté » et forcé la main pour obtenir quelques infos, c’est de la petite bière à côté de cette pieuvre.

Bref, il m’a fallu quelques heures avant de tomber sur ce que je cherchais.

Sur une enquête, et sur n’importe quelle enquête de surcroît, il y a deux questions majeures qu’on se pose à un moment ou à un autre : le pourquoi, et le qui. Parfois, le « qui » amène au « pourquoi », et d’autres fois, c’est l’inverse. Mais, dans cette affaire, je m’aperçois que plus je creuse, plus les deux choix possibles se révèlent.

Deux hypothèses s’offraient à moi.

La première, c’est le « qui », après être tombé sur un nom pendant mes derniers recoupements. Le « qui » est donc le directeur de la filiale qui porte le logo emblématique, qui a donc un lien étroit à la disparition de mon ami, au sens propre comme au sens figuré. Et, cet homme, quelques semaines après que mon ami devient Laure, devint un des membres actifs du conseil d’administration de la Holding qui orchestrait tout ce casse-tête de sociétés, aux reliefs d’un poulpe des abysses. Puis, quelques années plus tard, cet homme passe des affaires à la politique. Avoir le pouvoir ce n’est pas d’être le pouvoir, et cet homme a jonglé sur les deux tableaux pendant des années.

L’homme en question est l’opposant de Laure aux élections.

J’en reviens donc à ma première hypothèse, le coup bas politique. La balle dans le cercueil miniature illustre parfaitement cette théorie, et m’offre sur un plateau le « pourquoi ».

Sauf que l’épitaphe remet en cause cette idée. Il n’y avait pas de hasard au message. Et, seuls des proches de la nouvelle Laure en avaient eu connaissance. Et, son adversaire ne se serait pas embarrassé de ce genre de détail. De plus, un animal comme lui, féru au combat politique depuis de nombreuses années, aurait-il pris le risque de jouer à ça ? La politique, c’est violent et crasse par moment, mais ce procédé était digne d’un jeu pervers et mafieux ; il est vrai aussi, surtout en période où les sièges sont à renouveler, que tous les coups sont permis, sous condition de ne pas se faire prendre la main dans le sac. Et là, même si j’ai dû fouiller un peu pour trouver des connexions, c’était quand même gros ; une bien grosse ficelle quand j’y réfléchis : la cible démontrait le coupable.

Ça me rappelait une affaire d’un Maire qui avait joué les maîtres chanteurs auprès de ses administrés et des membres de son conseil municipal pour faire voter un contrat d’implantation d’un poulailler géant que personne ne voulait, sauf lui, parce qu’il avait palpé des enveloppes de la part du syndicat de la volaille dont le président était lui-même aux commandes du poulailler géant en question… Un scandale de plus dont je fus un des enquêteurs, démarché par un des conseillers municipaux qui cherchait à savoir d’où venaient réellement les pressions. Au final, quand tout le monde apprit le pot aux roses, le Maire fut destitué. Ils refirent des élections, et le poulailler ne vit jamais le jour sur les verts pâturages de la commune. Les écolos, à la place, prirent le pouvoir, et des éoliennes et autres champs photovoltaïques avaient poussés comme des champignons tout autour d’une campagne, non plus naturelle, mais d’énergies high-tech… Était-ce plus écolo qu’un poulailler géant ? J’en savais rien, et clairement je m’en foutais. J’avais été payé pour mon boulot et depuis lors j’ai classé cette histoire dans mes dossiers suspendus.

Tout ça pour dire que – malgré mon peu d’expérience dans ce monde-là – les politiques et l’éthique, c’est plutôt je t’aime moi non plus qu’un mariage tout court, avec ses règles et ses devoirs.

Bien que cet axe de travail peut-être considéré comme acceptable, j’en étais pas vraiment satisfait. Et, d’une façon générale, je ne m’arrête jamais à une seule piste tant que les autres restent ouvertes. Puis, une information de dernière minute m’apporte un nouvel élément, et une nouvelle perspective à mon enquête. En effet, pour faire écho à mes pensées, la TV – en mode muet – diffuse des images du candidat en question, que mon travail de recherches pointe de doigt depuis que j’ai découvert des liens entre l’ancienne Laure et la nouvelle. L’homme, sur le petit écran, est présenté sous forme de diaporama. Intrigué, j’éteins la musique et je monte le son du petit écran.

Le présentateur du flash info informe la mort prématurée de l’adversaire principal de Laure aux élections législatives. D'après ses commentaires, il rappelle la carrière du bonhomme, et les menaces de mort récentes depuis sa dernière prise de parole publique qui dénonçait certaines niches fiscales de grands groupes étrangers… pour leur faciliter l’implantation de leur activité sur le territoire.

Et, d’après ce que j’apprends à la TV, la menace de mort était identique à celle de Laure.

Plus bizarre encore, sa mort date du jour où j’ai fait mes retrouvailles avec elle…

Cette affaire venait de prendre un chemin de traverse qui ne me plaisait pas du tout. Le coup bas devenait un coup foireux…

L’image de Laure d’ailleurs apparaît à l’écran, et le présentateur, le nez dans ses fiches, explique qu’elle continue seule la course en tête vers le siège de député.

Ben voyons…

Rectification, le coup n’était pas foireux, mais bien tordu.

Aux vues de cet événement soudain, je dois reprendre mes notes, depuis le début. Quelque chose m’a échappé, et je compte bien savoir quoi…

En d’autres termes, chercher le « pourquoi » pour connaître « qui ».

Et se poser l’ultime question : à qui profite le crime…


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