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À l'ombre d'un rôle : Chap 11 - L'enfer est pavé de bonnes intentions

Ma décision est prise. C’est le jour des votes, et je n’irai pas. Vu mes dernières découvertes sur mon affaire en cours, c’est à vous faire vacciner de la politique. À se demander si le peuple mérite vraiment de vivre en République et en démocratie tant que ça pue en sous-main, tant que ça grouille sous le tapis de charognards en tout genre.

La relecture de mes notes m’ont révélé d’autres perspectives à l’enquête. Et, si mes soupçons s’avèrent être les bons, je comprends les anars !

Une discussion s’impose, avec mon ancien ami. Avec Laure.

Sauf que pour la voir, il me faut me rendre à son QG de campagne, qui prépare l’après de ces élections, parce que toute son équipe était sûre de gagner. Et, pour cause ! Distançant les autres candidats, et son principal adversaire étant hors jeu, au sens figuré comme au sens propre, elle avait un boulevard devant elle ; un tapis rouge même, savamment orchestré. Il est vrai quand l’un meurt deux jours avant les élections, comment le remplacer au pied levé? Ces élections à cette circonscription auraient dû être annulées, ou reportées, mais non… la mort du candidat ne fut qu’un entrefilet ! L’indignation était le discours officiel, mais derrière les masques, tout le monde s’en foutait. Tout le monde revenait aux élections, qu’il fallait aller jusqu'au bout du processus électoral, comme si leur vie en dépendait. Cette course à l’échalote, vraiment, me donnait la nausée.

Je savais que le passé à travers lui, enfin à travers Laure, allait me poser des ennuis. Quand il était « Il », c’était déjà le cas. Je vois qu’en Elle, il n’avait pas changé non plus.

Je suis en route pour son QG. Je n’allais pas lâcher l’affaire comme ça. Je devais comprendre, et je devais aussi lui donner mes conclusions sur l’enquête. C’était d’ailleurs mon ticket d’entrée si jamais des gros bras de vigiles, pourvus à sa sécurité, m’interdiraient l’accès.





Dans ma voiture – un vieux tacot des années 80 qui roule encore, je ne sais comment -, je me défoule en chantant Hightway To Hell d’AC/DC que l’autoradio diffuse à plein régime. Je chante faux, mais c’est pour évacuer le stress, et me vider la tête, avant qu’elle ne soit remplie de nouveau par les salades futures de mon vieux pote au féminin. Son menu ? Mensonges coupés aux petits oignons. J’aime bien la cuisine, mais quand elle est comestible. Et, je ne suis pas un adepte des plats préparés. Ça fait grossir, et ça pousse au régime. Et l’intox rend souvent indigeste, qu’on finit par en tomber malade.

La voiture file, frôlant l’excès de vitesse. Je ne roule pas non plus à tombeau ouvert. Vu l’épave dans quoi je roule, ce serait prendre des risques inutiles. J’aimerai quand même arriver à bon port. Ce sera idiot d’avoir un accident, si près du but.

J’arrive dans la rue de son QG, et je me gare un pâté de maisons plus loin.

J’éteins la radio, je tourne la clé, prend mon dossier, sort, et claque la portière derrière moi. Je mets un tour de clé par automatisme, plus que par conviction. Qui volerait un véhicule pareil ? À part pour faire du rodéo de rue ? Et encore, au bout de cent mètres le joint de culasse sauterait et ce sera la panne définitive. Il n’irait pas bien loin le voleur de toute façon. Elle a une façon de démarrer qui n’appartient qu’à moi. Le démarreur est tellement usé que forcer dessus tuerait le tacot sur place. J’ai mon doigté personnel pour la faire rugir du premier coup, et je suis le seul à savoir comment y parvenir. Donc, le voleur, avant de pouvoir jouer avec, au mieux il abandonne, au pire il me noie le moteur.

J’arrive devant le cerbère en costume Armani qui me bloque l’entrée, une oreillette sur le côté droit. Je donne mon nom et les raisons de ma venue. Et, sans discuter, il m’ouvre la porte comme si mon hôte m’attendait.

Je ne suis surpris qu’à moitié, en vérité. J’avais estimé à une chance sur deux qu’on me fasse des histoires. Mais, non. On me laisse entrer, soit, mais me laissera-t-on sortir ?

Je croise un monde fou. Le fan club de la diva politique est au complet, des coupes de champagne en main. Le résultat des votes n’est pas encore annoncé qu’ils fêtent déjà leur victoire. Ils n’avaient peur de rien, ou c’est qu’ils avaient déjà les dernières estimations, calculées sur des probabilités d’instituts de sondage dont le panel est de moins de dix pour cents dans les meilleures études, et donc en aucun cas représentatif. Mais, avec le temps, ils sont devenus la norme. Des calculs mathématiques qui font la pluie et le beau temps des élections, pour éviter de tout compter, c’est tellement de l’arnaque que ça me donne un bon mal de tête. Et le truchement est tellement tombé dans les mœurs que ça ne choque plus personne. Dans d’autres pays, le vote est électronique ; le résultat pourrait être instantané, mais il paraît que c’est pire ! Il n’y a pas d’idéal en démocratie, beaucoup de failles encore, et donne tout sens par moment à l’adage : à qui profite le crime…

Un homme me reconnaît. C’est le chauffeur. Et, il me tend une coupe tout en m’indiquant d’un regard une pièce à ma droite.

- Veuillez me suivre.

Le chauffeur n’a plus rien d’un chauffeur. Je dirais plutôt un garde du corps, en vue de son Beretta caché sous l’aisselle. Une remarque que j’ai pu observer lorsqu'il ferma sa veste. L’avait-il fait exprès, pour que je mesure une menace quelconque, si jamais mon entrevue avec Laure ne lui convenait pas… et qu’ils décident effectivement à me sortir par l’entrée des artistes… Je me croirais dans un film de gangster hollywoodien. J’adorais ça quand j’étais môme, mais maintenant, je suis moins enthousiaste.

J’entre dans un salon, qui fait office aussi de bibliothèque. La pièce est vide en dehors d’un mobilier art-déco encerclé d’étagères si fournies qu’il faudrait plusieurs vies pour lire tous les ouvrages exposés.

Je jette un œil aux livres. Beaucoup de théâtre. Ça sous-entend que le QG serait donc son domicile officiel. Je continue ma visite circulaire et littéraire, et tombe sur deux livres qui sont des classiques en politique. Le Prince de Machiavel et l’art de la guerre de Sun Tsu. Je prends l’un deux ; il est écorné à plusieurs endroits, utilisé souvent. Je souris en coin, dodelinant de la tête.

Une porte s’ouvre derrière moi. Je me retourne, le livre en main. Laure est sur le seuil, dans une tenue à la fois sobre, et de circonstance, pour l’événement du jour. Nos regards se croisent, puis le sien se fixe sur le livre que j’ai en main. Elle serre les dents, un sourire de malaise. La réponse est dans ses pages, mais je n’ai pas besoin de l’ouvrir. Je connais déjà les réponses. Je devais juste obtenir sa version du jeu. Un jeu macabre dont je fus une de ses pièces maîtresses...

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